A J+7 de l’Ironman 70.3 Pays d’Aix, je vous dis tout. Aucun suspens à l’horizon : Il s’agit ici d’un abandon. De mon premier abandon.
Je sais que ce mot ne vous fait pas vibrer. L’acte d’abandon n’est pas chargé d’ondes positives dans une culture où le sport est censé apporter des valeurs telles que la volonté et le dépassement de soi. Je sais qu’on vous dit qu’il faut aller chercher au fond de vous-même le courage et la force de tenir. Cependant, je pense à mes 544 compagnons de galère qui comme moi ont dû abandonner cette course.
Il m’a été très difficile de mettre des mots sur cet Ironman 70.3, mais aujourd’hui ils sont là. Plus qu’un simple compte rendu, cet article est dédié à celles et ceux qui viennent de vivre un abandon. Prenez ce qu’il y a à prendre et laissez ce qu’il y a à laisser.
Bonne lecture ♡
LE RACE DAY
5h du matin : le réveille sonne. J’ai très mal dormi, je raconte aux copains mes cauchemars de Tsunami pendant le petit déjeuné et on en rigole. Maxou me colle mes tatouages, je remplis mes bidons et c’est partie. Devant le bus je croise Ben, mon coach, ça me fait super plaisir de le voir. Je suis impatiente, j’ai vraiment hâte d’y être.
Arrivée dans le parc, je croise Gabrielle et Yoann, je dépose mes bidons, mes compotes et pâtes d’amandes puis je gonfle mes pneus. On fait des photos avec les copains, bref, le bonheur d’avant course !
Puis, l’attente interminable pour faire pipi… Et voilà que mon pire ennemi commence à faire son apparition : le stress.
J’ai tout juste le temps de mettre ma combinaison (merci les copains de m’avoir attendu), de courir déposer mon sac Streetwear et de rejoindre mon sas de départ.
La natation :
Pas moins de 2000 personnes à mes côtés. Le regard tourné vers le lac, je discute avec Yoann, je suis tellement contente d’être là. Je fais une natation pas trop trop degueu, je me sens bien mais je prends mon temps, car je sais que la matinée sera longue et qu’à mon niveau, il vaut mieux économiser ses ressources. Je sors de l’eau en 36min avec une seule envie : monter sur le vélo.
Je croise Maxence à la T1, j’avais déjà le sourire, mais alors là… Je ne m’attendais pas à le voir, j’ai des frissons. Puis je récupère mon sac bike, je prends le temps de bien me sécher, j’enfile ma veste de « pluie » LOL, mange une compote, récupère mon vélo et c’est partie.
Le vélo :
Les sensations sont dingues. Je me fais doubler de tous les côtés mais Ben m’avait prévenu « tu les rattraperas à la fin». Je suis dans ma bulle, mes jambes sont légères et le cardio répond présent. Je sais que je suis physiquement prête pour cette épreuve et j’ai l’intime conviction que comme me l’avait dit Maxou, j’ai de quoi me surprendre aujourd’hui. Je croise des abonnés qui m’encouragent et ça, ça fait franchement chaud au cœur. On a beau dire «Instagram ce n’est pas le vraie vie » n’empêche que merci Instagram, merci à vous.
Au panneau indiquant le KM 50, j’explose de joie car je sais que j’ai fait plus de la moitié du parcours vélo et je suis en pleine forme. Comme me l’avait annoncé Ben, je double beaucoup de monde dans les descentes/virages sauf que la pluie commence à tomber sérieusement…
En quelques minutes ça devient l’apocalypse :
- 3 degrés
- Rafales de vent (certains disent 30km/h, d’autres 60, honnêtement je n’en sais rien et je m’en fiche…)
- Mélange de pluie et de grêle
- Orage avec de la foudre en toile de fond sur la sainte victoire. Miam.
S’en suit de 25 km à lutter dans ces conditions. Aucun de mes mots ne pourra décrire ce qui s’est passé. Mais je vais essayer.
J’ai passé les 15 premiers km de ce calvaire seule au monde, livré à moi-même. Les signaleurs sont rentrés bien au chaud dans leurs voitures. Des kilomètres sans voir ne serait-ce qu’une seule moto arbitre. Rien. NADA. J’essaie d’attraper mon bidon pour boire mais impossible de le sortir. Pas grave, de toute façon l’eau froide m’aurait donné mal au ventre.
Au KM 65 commence le cimetière de vélo sur le bord de la route … Abandon sur abandon. Des participants livrés à eux-mêmes. À ce moment-là, je ne comprends pas ce qui se passe autour de moi. Je me dis juste : « tant que tu peux pédaler ET freiner, tu continues ».
J’essaye d’anticiper le dernier col du parcours en essayant de passer les vitesses, de changer de plateau mais rien n’y fait, je ne contrôle plus mes mains… Comme si cela ne suffisait pas, je fais tomber mes lunettes. Je m’arrête, les regarde et hésite pendant de longues minutes avant de redescendre les chercher. J’ai eu énormément de mal à repartir, j’ai zig-zagé, faillit tomber, faillit faire tomber du monde, mais tout s’est bien passé.
Puis j’ai commencé à perdre en lucidité. 25km sans boire, ni manger. Avec les mains gelées, on se contente d’essayer d’orienter son guidon ou de freiner…
Sauf que me voilà au sommet du col avec une descente (aux enfers) pour rentrer sur Aix et il pleut toujours autant. Je passe le premier virage, je vois 30 personnes agglutinées les unes aux autres sous une seule couverture de survie. Je me dis que « S’arrêter ce serait signer pour une hypothermie sévère à coup sûr ». Sauf que mon corps m’envoie de plus en plus de signaux d’alerte. Pas de doute, à ce moment là, je suis déjà en hypothermie.
Arrive le deuxième virage, je n’arrive plus à freiner, je panique mais je réussis à poser le pied à terre tant bien que mal grâce à l’aide d’un participant. À ce moment précis, une nana fait un tout droit dans le ravin. On a, j’ai paniqué. Impossible de repartir. Paralysé par le froid mais surtout par la peur.
CLAP DE FIN
L’abandon ne fait pas plaisir. Un mélange d’émotions a surgi en moi : détresse, déception, colère, frustration, incompréhension.
Mais le corps n’est pas infaillible et quand des signaux d’alerte sont là, il est préférable de les écouter. Cette décision d’abandonner a été la plus difficile que je n’ai jamais eu à prendre. On souhaite toujours aller plus loin, repousser ses limites on essaye au risque de se blesser ou pire, d’en perdre la vie. Cette médaille en valait-elle la peine ? Assurément non.
Nous avons tous nos convictions, nos croyances, sur ce qu’il faut faire et ne pas faire, ce qui est bien ou mal. Nous sommes envahis de messages quotidiens tels que : « sois fort » ou « si on fait des efforts, on doit y arriver » ou encore « si on commence quelque chose on va jusqu’au bout ». Chaque participant a vécu ce jour-là une course différente, vu des images différentes, eu des frissons différents. Nombreux sont ceux qui sont allé au bout de cette course extrêmement dangereuse. Si cela doit vous arriver un jour, la décision d’abandonner ou de continuer vous appartiendra. Alors je vous souhaite de tout cœur, d’être capable de faire preuve de lucidité sur votre état physique et psychologique. Abandonner, ce n’est pas un échec. Au contraire cela demande beaucoup de courage. L’essentiel est de savoir dire STOP avant qu’il ne soit trop tard.
MERCI à mes compagnons de galère, à l’ensemble des bénévoles, gendarmes, photographes, spectateurs, proches, à cet inconnu qui m’a redescendu jusqu’à Aix. MERCI à toutes ces personnes qui ont subi ces conditions climatiques autant que nous.
MERCI pour vos messages.
MERCI l’orage pour tout ce que tu m’as appris.
MERCI du fond du cœur et BRAVO à tous ♡
NEXT STEP : IRONMAN FRANCE NICE
Crédit photos : Yoann Rochette
The Comments
Sasha_french0six
Cette course a été apocalyptique et je ne parle pas de tes perfs mais des conditions désastreuses que j’ai pu voir entre insta et CR de différents participants. Te lire et lire également @fannymesenvies, ça fait qqchose. Vous avez vécu l’enfer et le principal, c’est que peu importe la finalité de la course, vous avez beaucoup appris et vous êtes allés au bout de vous. Bien sur je suis déçu pour toi, ta première grosse course méritait une fin bien plus heureuse, mais je ne doute pas une seconde que tu auras d’autres occasions de décrocher les étoiles. Ne renonces pas à ton rêve car OUI tu arriveras à le saisir =)
Laura Rêve en Grand
Sasha_french0sixMerci beaucoup pour ton message, comme toujours, tu trouves les mots justes. Ça me touche beaucoup 🙂
Beranger jeremy
Un très beau résumé
Laura Rêve en Grand
Beranger jeremyMerci beaucoup 🙂
pauline
Whaouu ton compte rendu m’a donnée des frissons.. Tu es vraiment une warrior ! De dire que tu as « abandonée » je suis pas d’accord avec ton terme, car c’est les conditions climatiques qui ont entrainées des effets néfastes sur ton organisme et qui donc t’on conduit à arrêter, pas parce que tu n’es pas capable mais par sécurité. Il n’y aurait pas eu de pluie, de vents, de températures aussi faible, crois moi tu l’aurais passé cette ligne d’arrivée, j’en suis sure. Alors ne te décourage pas ne te remets pas en question, car dit toi que si c’était vraiment une question de conditionnement physique il n’y aurait pas eu autant d’abandon sur cette course. Crois en toi et tes capacités ma belle <3
Laura Rêve en Grand
paulineMerci beaucoup pour ton message Pauline ! C’est super gentil, ça me touche beaucoup 🙂
Olivier
Bonjour, j’ai également vécu tout ce que tu décris. Le froid, les chutes, les pompiers….
Je n’ai pas abandonné, mais au km 75 on m’a dit clairement ( la croix rouge ) qu’il fallait stopper et attendre une navette.
Ce sera aussi un particulier qui me descendra en voiture. Le sentiment est donc un peu différent. Je n’ai certes pas abandonné, mais c’est plutot l’organisation qui l’a fait pour moi. Un peu dur pour un 1er triathlon.
Que cela nous serve pour les prochaines fois ( Aix 2019 ? ). Il faudra penser à bien prendre des vêtements adéquats. 😀
Bonne chance et bon courage pour ton prochain gros défi. Ça va arriver vite !
Olivier
Laura Rêve en Grand
OlivierAvec un peu beaucoup de retard … lol ! MERCI beaucoup Olivier !
Olivier
P.S : je roule aussi en B’twin ! 😀😀
Marine
Ton récit était super émouvant ça m’a donné des frissons ! Tu as pris la meilleure décision pour toi et tu peux être fière !
Bravo à toi 😘
Laura Rêve en Grand
MarineMerci Marine 🙂
Bravo à toi d’avoir fini championne !!
Julien
Ton récit me rappelle des souvenirs. Cette course a été horrible et je faisais partie de la trentaine de zombies dans le premier virage sous tension.
CR sur mon blog si jamais.
Au plaisir de te lire.
Laura Rêve en Grand
JulienMerci Julien pour ton partage ! Au plaisir de te croiser sur une course (et pas en mode zombie au bord de la route aha) 🙂